Le congrès du MJS s’ouvre dans un contexte grave. Alors qu’une crise d’une ampleur exceptionnelle plonge l’économie mondiale dans le marasme, la social-démocratie constate, impuissante, son essoufflement et n’arrive plus à imposer sa grille d’analyse à des peuples qui lui ont massivement retiré leur confiance. Le résultat des européennes est la suite logique des défaites de 2002 et de 2007 et de notre incapacité collective à définir ce que nous sommes.
Cette défaite générale des sociaux démocrates en Europe surgit au moment au plus fort d’une crise systémique du système capitalisme et d’un modèle de croissance fondé sur la recherche de rentabilité à court terme. Dans ce contexte, nous assumons plus que jamais nos valeurs et nos combats passés. Mais nous constatons aussi le besoin de refondation de nos organisations. La refondation, cela ne peut-être la course au « plus jeune que moi tu meurs », la chasse aux éléphants et aux éléphantes, qui ne fait pas partie de nos sports favoris. Cela ne peut être non plus une mutation idéologique confondant modernisation et droitisation.
Refonder, c’est proposer une approche nouvelle, innovante mais fidèle à nos convictions. C’est aussi oser le bilan de quinze années d’existence du MJS, tirer les enseignements de nos erreurs collectives, et proposer un nouveau fonctionnement pour notre organisation. C’est pour cela que nous nous engageons dans ce congrès.
I/ Pour une social-écologie assumée
Depuis des années, les socialistes s’enferment dans un faux débat. Plus de libéralisme, moins de libéralisme ? Plus à gauche, moins à gauche ? Social-démocratie ou socialisme ? Ce type de débats ne nous a menés nulle part. Pour nous, le constat est radical : la social-démocratie est à bout de souffle. Il est temps de la dépasser. Il est temps que la social-écologie, dont nous nous revendiquons depuis 2002, devienne la nouvelle matrice de la gauche. Cela impliquera la remise en cause de notre conception de la richesse. La mise en place de nouveaux indicateurs de richesse sera le préalable à la révolution idéologique que nous proposons.
1/ Pour un nouvel ordre social international
Comme celles qui l’ont précédée, la crise actuelle démontre que dans un système capitaliste, les exigences sociales ne sont que contingentes et que salaires et emploi jouent systématiquement le rôle de variable d’ajustement en cas de choc. Nous ne pouvons nous contenter de proposer des solutions dans le système : c’est toute la logique du système qu’il faut changer.
Pour que l’ancrage territorial, la stabilité du capital et les conditions de travail du salarié deviennent des éléments significatifs dans les choix entrepreneuriaux, rénovons les processus de décision interne aux entreprises, en donnant une voix forte aux salariés. Quant à la puissance publique, elle doit retrouver son rôle de stratège en matière économique et industrielle, car pour sauver son modèle social, l’Europe doit d’abord sauver son économie. La puissance publique, nationale ou européenne, doit favoriser l’implantation d’industries sur nos territoires, faciliter le maintien de celles qui y sont déjà, et mener une politique globale allant dans le sens de plus d’innovation. Elle doit pouvoir bénéficier d’une « golden share » au capital d’entreprises stratégiques, afin de contrôler les choix importants en terme d’investissements et de localisation. Un service public bancaire doit être créé pour assurer, entre autres, le financement des PME. Nous proposons par ailleurs la création d’une coopération européenne de la recherche et de l’innovation, qui permette aux pays qui le souhaitent de mutualiser les moyens dans ce domaine.
La création d’un nouvel ordre social mondial passera par l’abandon d’un internationalisme angéliste. L’ouverture à tout crin du marché européen ne favorise ni les salariés européens, ni les salariés des pays émergents. La Chine, par exemple, considère aujourd’hui la faiblesse des salaires et des protections de ses travailleurs comme son atout majeur dans la compétition commerciale mondiale. C’est cette rente salariale qui alimente son fonds souverain, fer de lance du capitalisme chinois dans le monde. Ne l’encourageons pas à entretenir ce statu quo social. L’Europe doit mettre en place une politique commerciale qui enclenche une dynamique vertueuse de rattrapage social dans les pays émergents, soit en réactivant le tarif extérieur commun, soit en mettant en place un système de montants compensatoires discutés avec les pays exportateurs, et négociés en fonction d’engagements sociaux et environnementaux.
2/ Mettre l’écologie au cœur de la logique économique
L’environnement, justement. Il est faux de dire que les socialistes ne s’en préoccupent pas. Depuis des années, le volet environnemental est le passage obligé de tous les textes que nous écrivons. Le problème, c’est que l’écologie reste cantonnée à sa place de volet, alors qu’elle devrait être un principe transversal sous-tendant toutes nos politiques. Inversement, les mesures écologiques devraient systématiquement prendre en compte la question sociale. La question écologique mériterait à elle seule une contribution entière. Contentons nous d’esquisser ici quelques propositions :
- Un plan massif d’économies d’énergies centré sur l’isolation des logements et la relocalisation des activités économiques.
- Le développement des transports collectifs et du fret ferroviaire.
- Une diversification énergétique visant à réduire notre dépendance à la fois vis-à-vis des hydrocarbures et du nucléaire.
- La mise en place d’une fiscalité écologique pour les entreprises.
- La création de services publics européens pour la gestion de l’eau et des ressources énergétiques. Dans un premier temps, cela pourra passer par une coopération renforcée entre les Etats volontaires : la Communauté européenne pour l’énergie et la Communauté européenne pour l’eau serviront de tremplin à une politique commune de l’environnement.
3/ Les valeurs républicaines au fondement de notre idéologie
Les socialistes ont laissé tomber leur combat fondateur, celui de l’égalité. Diversité, modernité, parité : autant de concepts apparemment plus « vendeurs », plus télégéniques, et ô combien moins complexes à défendre ! Sauf qu’en reléguant l’égalité au rang de valeur comme une autre, le socialisme a perdu sa boussole, sa feuille de route, bref…son ambition. Renouer avec cette ambition, c’est renouer avec le modèle républicain. Les valeurs de la République sont exigeantes. Liberté, égalité, fraternité, laïcité, autant de principes porteurs d’histoires mais qui restent plus que jamais nécessaires dans une société qui tend vers la glorification des particularismes au détriment de l’intérêt général et du bien commun.
C’est d’abord dans l’école publique laïque que nous devons réaffirmer ces valeurs. Redonner à l’institution scolaire sa place centrale et réaffirmer son rôle premier dans la formation de citoyens dotés de sens critique et à la conscience éveillée à l’égard des conditionnements sociaux ou communautaires est un impératif. L’Etat doit mieux assumer le rôle éducatif qui est le sien. Toute sous-traitance en la matière est inacceptable, car elle remet en cause l’égalité des chances. A cet égard, nous nous opposons à tout financement public des établissements privés, y compris sous contrat. Au nom de quoi ceux qui choisissent de contourner la carte scolaire et d’ignorer l’école républicaine devraient-ils bénéficier d’une subvention publique ?
Dans un contexte où les stratégies privées tendent à s’imposer, il est urgent de renforcer l’égalité des chances. En refaisant de la carte scolaire un vrai facteur de mixité sociale. En renforçant les moyens octroyés aux ZEP. En développant une politique préventive de lutte contre l’échec scolaire. Mais aussi en remettant au goût du jour un système d’internats, pour mettre fin aux inégalités naissant des conditions de logement.
Remettre l’égalité républicaine au cœur du débat politique et de notre projet est un préalable pour faire face à la crise actuelle. Un emploi, un logement, un savoir la promesse républicaine doit être tenue. Il faut redonner du sens à cette République en laquelle nos concitoyens perdent confiance, comme en témoignent les forts taux d’abstention qui marquent de manière persistante les scrutins électoraux. Réinventer les modalités du débat démocratique, modifier profondément nos manières de faire de la politique, remédier à la dérive présidentialiste en remettant le Parlement au cœur du régime, autant de mesures qui pourront permettre de raviver l’adhésion et la confiance des citoyens.
II/ Quinze ans d’éléphanteaux, et maintenant ?
Sans refondation des structures, nous ne serons pas en mesure de porter cette refondation idéologique. Il est temps de tirer un bilan de quinze ans d’existence de notre mouvement. Ce n’est qu’en reconnaissant collectivement nos erreurs que nous arriverons à construire une nouvelle organisation de jeunesse, utile à la famille socialiste.
1/ Donnons du sens à l’autonomie, balayons les pratiques d’un autre temps
15 ans d’autonomie, 15 ans de mimétisme. Le MJS semblait avoir conquis son autonomie, nous sommes en fait en plein brouillard. Si l’autonomie revient copier les disfonctionnements du parti, elle est inutile à notre cause commune. Pourtant force est de constater que le MJS depuis 15 ans ne fait qu’appliquer les pratiques peu glorieuses de nos aînés. Quelques exemples ? Soyons honnêtes et courageux entre nous : verrouillage de l’appareil, décisions arbitraires de certains, manque d’écoute des différentes sensibilités, fédérations aliénées quand celles-ci ne rentrent pas dans le rang, cartes ou matériels non envoyés aux fédérations issues des minorités. On pourrait allonger la liste.
La majorité du MJS est inchangée depuis 1993, et l’on connaît 6 mois avant le congrès le nom du futur président de l’organisation. Qui pourrait se satisfaire d’une telle situation ? L’autonomie devra dorénavant être mise au service de l’ouverture de l’organisation, d’un fonctionnement plus transparent et surtout plus collaboratif avec toute la gauche. Nous proposons ainsi de lui donner un sens véritable, qu’elle n’a pas encore connu, et dès ce congrès. Nous ne voulons pas être de jeunes clones mais des jeunes socialistes responsables en capacité d’être précurseurs sur certains sujets, à la pointe du rassemblement de la gauche.
Nous prenons la part qui nous revient dans ce bilan. Aucune sensibilité n’a la légitimité pour endosser le rôle du chevalier blanc, car chacune a, à un moment ou à un autre, participé à la perpétuation de ce mode de fonctionnement. Le constat est violent, y compris pour nous-mêmes. Mais si nous ne le faisons pas, alors il n’y a aucune raison pour que les choses évoluent.
2/ Clarifions notre rôle dans la famille de gauche
L’organisation de jeunesse des socialistes doit trouver sa place dans la famille de gauche. Quel est son rôle, par rapport au Parti socialiste et aux autres organisations de jeunesse, politiques, syndicales ou associatives ? Voilà la question clé que nous devons nous poser ensemble.
Etre le PS des petits n’a pas de sens. Notre organisation doit retrouver ses spécificités. Il n’a pas vocation, comme son aîné, à construire un programme de gouvernement. En revanche, il doit être une boîte à idées, un lieu de bouillonnement intellectuel. Surtout, il doit être capable de porter quelques grands combats identitaires et identifiés. Il y a eu l’allocation autonomie dans le passé. Travaillons lors du prochain mandat sur quelques grandes thématiques, redéfinissons nos priorités, devenons une force de proposition incontournable dans notre famille politique.
Le paysage des organisations de jeunesse de gauche est largement fragmenté. Si nous ne dépassons pas nos cadres actuels, nous resterons inaudibles. Le MJS doit prendre l’initiative du dialogue à gauche, mais pas uniquement entre les états-majors. Le rassemblement de la gauche doit se faire aussi, et peut-être surtout, au niveau local, entre les militants.
3/ Reconstruisons notre organisation
Pour mener à bien ce travail ambitieux, l’organisation de jeunesse socialiste doit être profondément transformée. Toutes les étapes de la vie du militant doivent être étudiées, depuis l’adhésion, aujourd’hui souvent impossible pour une jeune qui n’est pas déjà familiarisé avec nos réseaux, jusqu’aux modes de désignation de nos instances, à tous les niveaux, en passant par nos modes de débat et de militantisme.
Le congrès qui s’ouvre est d’une importance majeure. Nous y participerons pleinement, avec la volonté d’apporter toute notre part à la nécessaire refondation de notre organisation. C’est avec confiance que nous voulons nous y engager. Confiance et lucidité. Nous entendons les discours et prenons note des engagements. Mais nous jugerons sur pièce. La manière dont sera mené le congrès déterminera largement la réussite du prochain mandat. Si les militants sont respectés, dans leur volonté d’adhésion, de participation et d’expression, ce sera un signe fort pour la suite, le signe que les jeunes socialistes peuvent dépasser les querelles de chapelle pour travailler collectivement à la refondation de la gauche. Ensemble, faisons ce pari !