Laïcité, j’écris ton nom

medium_laicite21196923191

Voici un excellent article paru sur le blog de notre camarade de Gironde, Marie-Christine Darmian-Gautron. Retrouvez ses billets sur http://mcdarmian.over-blog.fr/

Je me suis rendue compte dans mes fonctions militantes de secrétaire fédérale du Parti Socialiste de la Gironde déléguée à la laïcité et à la citoyenneté que le sujet de la laïcité ne passionnait pas les foules.

J’ai eu l’impression dans les débats et autres réunions auxquels j’ai pu assister, dans les discussions que j’ai pu avoir, que la grande majorité de mes interlocuteurs ne savaient pas toujours ce qu’elle représentait pour l’équilibre de notre République et donc pour leur quotidien. Je suis fille d’instituteurs et j’ai comme cela quelques travers qui m’ont été inculqués sur les bancs de l’école dont un qui veut que la connaissance, c’est partager le savoir qui nous fait grandir. J’ai donc choisi de vous faire partager mes recherches sur la laïcité et ce qu’elle représente en France.


La laïcité est d’abord une séparation, celle du civil et du religieux mais elle est aussi une union celle qui rassemble les femmes et les hommes d’opinions, de religions ou de convictions diverses dans la même communauté. L’adjectif « laïque » s’oppose d’abord à « clérical », peut aussi désigner l’indépendance par rapport à toute confession religieuse. Voilà pour la définition de la laïcité que j’ai trouvée sur les pères des ânes comme disait ma grand-mère lorsqu’elle parlait des dictionnaires.

Mais que se cache-t-il dans son histoire ?

Le laïc a plusieurs siècles et dans un monde où l’Eglise régnait en maître il est peu usité. Les latinistes avertis vous raconteront que le mot trouve sa racine dans “laicus” qui veut dire si mes souvenirs sont bons « commun du peuple ». Le comble c’est que dans cette histoire là le terme est dans le parlé ecclésiastique et il s’oppose en grec à klerikos, le clerc. L’Eglise s’en servait alors pour désigner toute personne qui n’était ni clerc, ni religieux, mais qui appartenait cependant à l’Église. Déjà à cette époque elle s’appropriait les ouilles : le laïc est celui qui est baptisé, aucun incroyant n’étant considéré comme laïc ; plus encore le laïc est l’homme commun qui n’a pas été instruit ni consacré par sa religion sous entendu par l’Eglise.


Le chemin a été long

Le concept de laïcité, en tant que séparation du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir séculier, est ancien. Il induit une hiérarchie entre le pouvoir politique et l’Autorité qu’il fallait qualifiée de spirituelle. Déjà à cette époque les révoltes apparaissent et contestent la main mise du clergé sur cette autorité décidée de facto. C’est à cette époque que fut installée l’inquisition espagnole … Etait-ce un hasard de l’histoire … je ne le crois pas.

Cette hiérarchisation a aujourd’hui disparu depuis que l’Etat est devenu autonome sur la question religieuse. On retrouve cela durant le siècle des Lumières où Voltaire parle de missionnaires laïques pour désigner les vocations morales nées en dehors des cœurs de cathédrale. Il faudra attendre que la Commune de Paris vote un décret de séparation de l’Église et de l’État. Suivra ensuite la mise en place d’un savoir et d’un enseignement non religieux instauré par l’Etat. L’école républicaine est laïque et le religieux passe dans la sphère privée des familles.

Selon Henri Pena-Ruiz, dans la cité grecque la religion organisait le lien social. La cité changeant et intégrant des croyances multiples, le citoyen a ses dieux personnels dans une cité qui a ses propres dieux garant du salut commun. Bel exemple de confusion dont l’Eglise se servira bien après. La religion de la cité aura alors une fonction civique dépourvue de dogmatisme théologique.

Le droit romain développera cette distinction entre lois communes et pouvoir religieux en distinguant la chose publique, la « res publica », de la chose privée. Ainsi sont réunis les composantes de la laïcité contemporaine : le respect de la conscience individuelle, la recherche de l’intérêt général, la primauté de la loi sur les dogmes.

Est désormais laïque au sens de Laos « la population indivise », « ce qui concerne tout le peuple, indépendamment des diverses croyances ou convictions qui le divisent ». « Les laïques, c’est le peuple, c’est la masse non mise à part, c’est tout le monde, les clercs exceptés, et l’esprit laïque, c’est l’ensemble des aspirations du peuple, du laos, c’est l’esprit démocratique et populaire. » Jean Baubérot définie la laïcité contemporaine sous trois aspects : l’État est sécularisé, la liberté de croyance et de culte est garantie, et les croyances sont égales entre elles. La conception française est certainement, dans son principe, la plus radicale des conceptions de la laïcité même si elle n’est pas totale.

Sa justification réside dans le fait que l’État respecte toutes les croyances de manière égale, il ne devrait en reconnaître aucune. Selon ce principe, la croyance religieuse relève de l’intimité.

De ce fait, l’État n’intervient pas dans la religion du citoyen, pas plus que la religion n’intervient dans le fonctionnement de l’État. La laïcité à la française pose comme fondement la neutralité religieuse de l’État.

C’est sous la Révolution française, notamment dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qu’elle apparaît. Elle sera reprise dans le préambule de la Constitution de 1958, dont l’article Ier rappelle que La France est une République laïque.

L’autre grand moment de la laïcité française réside dans l’adoption de la loi de décembre 1905 instaurant la séparation des Églises et de l’État. Cette Loi fondatrice pose les bases de non-ingérence et de séparation avec les institutions religieuses. La séparation est réciproque. N’oublions pas que la position radicale française sur la laïcité est le fruit d’un long combat anticlérical dans lequel le but était de réduire à portion congrue l’influence de l’Eglise et des militants politiques qui l’entouraient. Ceci explique alors pourquoi les autres grandes religions monothéistes n’ont pas figuré à la table des négociations, d’où le déséquilibre de traitement qui existe encore aujourd’hui.


Elle n’était pas complète notre laïcité car elle ne s’est appliquée dans un premier temps qu’au citoyen et qu’en métropole. Passé revenu des colonies, les populations du cru n’avait pas la citoyenneté pleine et entière, comme en Algérie par exemple. Le droit qui s’appliquait faisait une large place aux coutumes locales des cultes, des structures religieuses et de leurs ministres. Je me souviens avoir entendu par des amis venant d’Alger que cela avait entrainé dans les années des accords d’Evian de vrais incompréhensions entre ceux qui arrivaient, et qui en Algérie pouvaient publiquement exercer leur religion, et ceux qui en France leur demandaient de respecter l’usage tacite de se fondre dans la population. L’histoire est bien un éternel recommencement !

La laïcité n’est pas parfaite et l’égalité n’est pas compléte. En effet le principe de laïcité dans l’éducation ne s’applique pas en Alsace et en Moselle, ni à Mayotte pour les principes du droit où la loi islamique, la charia, s’applique selon le minhadj et à Wallis et Futuna l’enseignement est concédé par l’État au diocèse catholique pour les écoles primaires. Voilà pour le passé et le présent. Quant au futur, au niveau Européen les tentatives d’inclusion de la notion de valeurs chrétiennes dans la Constitution européenne tendent à amorcer un mouvement qui trahit toujours cette même lutte d’influence. Ne l’oubliez pas lorsque vous vous demanderez le 7 juin prochain si la plage c’est pas mieux que le bureau de vote : votez pour les élections européennes le 7 juin 2009 c’est aussi choisir qu’elle place va prendre la laïcité et sa préservation dans l’Europe de demain !

Laïcité et état civil


Depuis 1792, le curé de la paroisse n’a plus la main mise sur l’état civil. Avant cette date vous le savez, la naissance, le baptême, le mariage et la mort se retrouvaient validés dans les grands registres de Monsieur le Curé. A partir de cette date c’est un nouvel officier qui prend la main, le maire de la commune. Tout cela passe avec armes et bagages dans le champ de la Res Publica sauf les baptêmes qui ne seront pas laïcisés et pour cause même si il en existe aujourd’hui des républicains. L’Etat civil est la partie la plus visible de l’iceberg de la laïcité au quotidien.

Laïcité et liberté


Autre domaine qui touche notre quotidien lorsque l’on parle de laïcité c’est celui de la liberté et plus particulièrement celle liée à l’expression et à l’opinion. Grâce à elle chacun peut prétendre à pratiquer une religion comme il le veut ou à ne pas en avoir si cela le chante. La seule limite est une limite qui comme pour la liberté doit s’arrêter où celle des autres commence. Ce principe a ainsi pu permettre d’interdire que la sphère religieuse entre dans les recrutements. Elle implique aussi la neutralité de l’Etat et de la chose publique qui interdit aux fonctionnaires de porter des signes religieux dans le cadre de leur fonction. Bien évidement ce n’est pas une application exclusive du principe de laïcité. Il est aussi interdit de faire cas de l’origine ethnique, de la couleur de peau, de l’appartenance politique ou syndicale par exemple.

Au niveau collectif, le fait qu’une organisation soit ou non affiliée à une religion ne peut pas non plus entrer en considération : seules les activités cultuelles sont exclues, mais un club sportif dépendant d’une église peut obtenir des subventions aussi bien qu’un club laïc, dans la mesure où il est aussi à tous. De même, les écoles confessionnelles peuvent participer au « service public de l’éducation », l’Etat en paye alors les professeurs et les collectivités territoriales contribuent à leur bonne marche, ce qui implique notamment qu’elles respectent les programmes officiels, et qu’elle doivent accueillir, service public oblige, tous les élèves qui le souhaitent indépendamment de leur religion et sans prosélytisme dans le cadre des cours. Mais n’est ce pas un atteinte à la laïcité ? Je me souviens encore de la guerre des écoles !


La laïcité et l’école

C’est là que la sphère de la laïcité est la plus connue : l’école. L’enseignement de la foi ne fait pas partie du cursus des élèves. Mais au nom de la liberté il a été laissé une journée par semaine pour être justement libre de suivre un enseignement religieux. J’ai été durant mes années de primaire au catéchisme tous les mercredis matin à l’école libre Sainte-Marie de Créon avec un curé extraordinaire, le pére Chevalier, qui avait un véritable respect des autres. Dans les écoles il reste cependant impossible, ai-je pu lire, d’interrompre la classe pour une prière, d’exiger un menu spécifique à la cantine, ou de squatter la cour de récréation pour une messe. De même, les signes religieux « ostentatoires » sont interdits dans les écoles publiques. Vous voyez bien que la règle est là mais que dans la vie contemporaine la laïcité perd du champ, il suffit de se rappeler certains événements pour s’en rendre compte. Je considère que c’est une régression et que ne pas la voir est républicainement suicidaire.

Condorcet, Hugo et Ferry, notamment, ont œuvré à la création d’une école laïque qui accueille tous les enfants, sans distinctions d’origine, de sexe ou d’option spirituelle de leurs parents avec une indépendance totale par rapport aux religions ou aux idéologies. C’est comme le titre de ces revues sur les étagères du bureau de mon pére : L’école libératrice ! Je reviendrai en détails sur ce duo école et laïcité dans un billet entièrement consacré à la question car il est à lui seul pour moi un réceptacle de toutes les tensions, de tous les combats et de beaucoup de questions.

Les femmes et la laïcité

Pour Condorcet les hommes ne peuvent être libres et égaux si la moitié du genre humain n’est pas libérée de ses entraves séculaires, ça c’est dit !. Pour Élisabeth Sledziewski, la Révolution est le moment historique de la découverte par la civilisation occidentale que les femmes peuvent avoir une place dans la cité, et non plus simplement dans l’ordre domestique. Et de deux ! Mme Vianès, auteur d’Un voile sur la République affirme que grâce à la laïcité, les femmes vont s’affranchir du poids des religions par les revendications de disposer librement de leur corps, de leur esprit et d’avoir la maîtrise de leur désir d’enfant. Et de trois ! Pour elle, La laïcité à la française offre la meilleure garantie d’égalité entre les deux sexes. Si ça ce n’est pas une application concrète de la laïcité dans le quotidien de la moitié de l’humanité je veux bien faire mon mea culpa !

En 1910, l’adultère est considéré comme un délit puni de prison pour les femmes et d’une simple amende pour un homme. Le devoir conjugal est pour les femmes une obligation, celle-ci ne sera abolie qu’en 1990. Il a fallu attendre 1965 pour que les femmes n’aient plus besoin de l’autorisation de leur mari pour choisir une profession, ouvrir un compte bancaire et avoir la pleine jouissance de leurs biens propres. L’égalité des époux est devenue effective grâce à la loi sur la nouvelle réforme des régimes matrimoniaux. La laïcité était passée par là. Pour moi, toutes ses inégalités étaient bien véhiculées par les religions et ceux qui les administraient. Que serait le statut de la femme occidentale sans la laïcité ? Posez-vous la question de temps en temps et regardez le monde pour avoir la réponse !

Je pourrais en dire autant sur le droit de vote des femmes. « Les radicaux ont peur de nous » disait Hubertine Auclert. Ainsi, l’un d’eux, en séance au Sénat lui donnait raison « Les électeurs catholiques sont peut-être des enfants à genoux quand il s’agit du prêtre servant la religion, mais ils sont assez souvent des citoyens debout quand ils exercent leurs droits politiques. Pour les femmes, vous le savez bien, il en va tout autrement. Même quand elles sont assez peu catholiques, elles subissent l’influence du prêtre catholique. » Mais n’imaginez pas que tout est réglé dans notre 21ième siécle. Je me souviens du rapport Stasi en 2003 et des menaces importantes qu’il montrait du doigt sur les libertés individuelles des femmes. Une jeune femme entendue à huis-clos par la commission dira ainsi que « la République ne protège plus ses enfants ». Moi je rajoute qu’en perdant la laïcité elle pourrait continuer de plus belle si nous n’y prenons pas garde !

Laïcité et famille
Le modèle de la famille chrétienne n’est plus la norme légale aux yeux de la République laïque. Mais combien d’années a-t-il fallu pour les enfants nés hors mariage ne soient plus qualifiés de bâtards. N’oubliez pas que ce n’est qu’en 1987 que la Loi étend l’exercice de l’autorité parentale aux couples non mariés et aux couples divorcés et en 2001 qu’est supprimé la pénalisation des enfants adultérins dans les successions. En 2005, une ordonnance supprimera la distinction entre enfant légitime et enfant naturel, entérinant l’égalité entre les enfants quelle que soit leur mode de filiation, à la seule exception des filiations incestueuses. Si la laïcité n’était pas passée par là qu’en serait-il ?

Le cadre légal est la seule référence morale de la République et pour moi elle doit le rester parce que les Lois sont votées par le Peuple et pour le Peuple. Pourvu que ça dure !

Marie-Christine Darmian-Gautron (G.E.Gironde)

Laisser un commentaire